Youpiii ! On se refait un petit débat sur une variante du thème "AC/DC est-il un groupe de heavy metal ?"...
Petite analyse de texte.
Prenons un extrait de cette interview de Brian, déjà citée plus haut, datant de la sortie de BOYV.
http://www.highwaytoacdc.com/index.php? ... 87hf/index- Revenons à l’album, parle-moi un peu des titres qui y figureront.
- C’est toujours du bon vieux AC/DC dans la tradition. Il n’y a pas de keyboards ou autres trucs de ce genre. Jamais Angus ou Malcolm n’autoriseraient ces instruments dans le groupe et en plus, je n’arriverais jamais à chanter avec ça à côté. Comment interpréter la petite remarque sur les "keyboards" ?
Bon, nous connaissons AC/DC, nous savons qu'ils n'ont jamais utilisé d'instruments à clavier. Pourquoi donc le préciser ? Et de toutes manières, ces claviers n'ont en soi rien de honteux. De nombreux grands noms du rock et du blues en ont utilisé, parmi lesquels certains des artistes de référence pour les Boys : Free, Chuck Berry... En 2009, cette petite phrase sur les "keyboards" ne veut donc rien dire.
En revanche, elle prend tout son sens si nous nous replaçons dans la 2e moitié des années 80 et, surtout, si nous nous replaçons dans le monde du "heavy", ou du "hard", de l'époque. On m'objectera que je confonds 2 termes différents, que hard-rock et heavy metal, ce n'est pas pareil. Ben justement, à l'époque les 2 termes avaient finis par devenir plus ou moins équivalents. Il y avait une grosse famille à la fois un peu sectaire et un peu rejetée qu'on appelait les "hardeux" qui écoutaient du "hard" (tantôt appelé "heavy metal") et on était soit dedans, soit dehors. En dehors, il y avait ceux qui n'aimaient pas le "hard" qui méprisaient tout ce qui pouvait porter cette étiquette. Etiquette plutôt vaste et floue, puisqu'elle englobait des artistes aussi différents que Metallica, Gary Moore, David Lee Roth, Iron Maiden, Kreator et Bon Jovi. Démarche délibérée ou pas, le fait est qu'AC/DC a aussi droit à la fameuse étiquette. Et l'interview citée ici semble indiquer que le groupe a en tout cas fait avec.
Les fameux "keyboards" étaient objet de polémique dans ce monde du hard. Pour beaucoup, le hard, c'était avant tout des guitares. De nombreux groupes étiquetés "heavy metal" plaçaient des parties de claviers de ci de là, tantôt pour rendre leurs slows un peu plus sirupeux (vous vous souvenez de la mode des "metal ballads" ?), soit pour donner un côté un peu "pompier" à certaines intros. Mais il y avait des purs et durs qui n'aiment pas trop ça. Les claviers, c'était bon pour ces groupes de "FM" que l'on méprisait (du genre Europe ou Bon Jovi); "FM" était d'ailleurs un terme quasiment insultant pour désigner de "faux" groupes de hard, des vendus, qui se faisaient juste pousser les cheveux pour passer pour des durs tout en draguant les hit parades à grand coup de nappes de synthétiseurs. Il n'était pas rare de voir des groupes placer des parties de claviers sur leurs morceaux sans qu'on ne voit l'instrument sur le clip vidéo correspondant (ou que le joueur de clavier ne soit pas considéré comme un membre "officiel" du groupe).
Dans ce contexte-là, la petite remarque du cher Brian prend tout son sens. Il dit aux lecteurs "Hey, les hardeux, on est des vôtres ! Nous on est des vrais, nous on est des purs !"
Et un peu plus haut dans le texte, Brian cite quatre groupes classés "hard" pour mieux s'en distancer : Def Leppard, Bon Jovi, Mötley Crüe , Withesnake. Def Leppard était un des groupes phares de la "New Wave Of British Heavy Metal" du début des 80'; groupe de hard rock assez classique au départ, ils connaissaient (à l'époque de cette interview) un succès phénoménal avec un album très typé FM,
Hysteria. Bon Jovi, étaient méprisés par les hardeux purs et durs qui ne voyaient en eux qu'un groupe de belâtres ; en 1986, ils avaient sorti
Slippery When Wet, succès colossal et véritable archétype du hard FM. Mötley Crüe, étaient classés "Glam Metal" (ce qui, aux yeux de certains, n'était pas très valorisant...) et ils connaissaient en cette année 1987 un gros succès avec un album considéré comme plutôt FM,
Girls Girls Girls; soit dit en passant, on y trouve, il me semble, des parties de synthé... Whitesnake, la créature de David Coverdale (ex-Deep Purple) accompli un gros virage en cette année 1987; après un changement de line up, ils tournent le dos au vieux hard rock teinté de blues de leurs débuts pour des sonorités très américaines, un peu FM, avec pas mal de nappes de synthé un peu grandiloquentes (le virage en question s'est d'ailleurs avéré des plus lucratifs...).
Bref,en 1987, le groupe essaie clairement de montrer aux "hardeux" qu'ils font pleinement partie de leur monde.
Faut-il pour autant adhérer à la thèse défendue dans ce topic ? Mhhh... J'ai des doutes. Ils ont certainement été influencés par ce qui se passait autour d'eux, comme tout le monde l'est à des degrés divers. Ils ont bien dû s'adapter à la réalité d'un public qui se divisait assez nettement entre les "hardeux" et ceux qui ne pouvaient pas encaisser tout ce qui s'apparentait à du hard. Mais de là à supposer qu'il y a eu une démarche consciente et volontaire pour s'imposer comme les leaders d'un mouvement aux contours pas si nets que ça, fluctuant et qui a fini pas se diluer, il y un pas que je ne franchirais pas.
Lorsque
The Razors Edge provoque un vrai raz de marée commercial au début des années 90, suivi d'une tournée monumentale, les genres ne sont déjà plus aussi figés, beaucoup de choses ont bougé entretemps et les étiquettes du passé n'ont plus vraiment cours. L'époque est à la fusion des genres (Faith No More, Red Hot Chili Peppers, etc.). Des groupes comme Guns'N'Roses touchent tous les publics. Metallica, pionniers du thrash metal lèvent le pied et grimpent dans les hits parades avec une ballade. Gary Moore amorce un grand virage et sort un album de blues. On assiste aux prémices de la déferlante grunge, qu'on ne sait pas très bien classer. Idem pour la déferlante "rock industriel" de Ministry et compagnie. Bref, le "hard rock / metal" en tant qu'entité à peu près définissable n'existe plus : AC/DC ne peuvent donc être considérés comme les rois de quelque chose qui n'existe plus.
C'est peut-être là l'explication du retour à un son plus "ancien" et moins heavy après
TRE. L'étiquette "hard rock / metal" n'existant plus vraiment, la question de savoir s'il faut y coller ou pas ne se pose plus.