par 7.th » 14 Juin 2014, 16:09
"Un jour tu verras, les Stones c'est le meilleur groupe du monde, arrête de me faire chier avec ton AC/DC." 6.th, grand-frère de 7.th
Au-delà de vouloir voir un concert des Rolling Stones au moins une fois dans ma vie, et sans vouloir étaler ma vie personnelle, j'ai surtout toujours voulu partager un moment spécial avec mon frère. Une personne très "casanière" et très secrète, qui ne laisse pas forcément entrevoir ce qu'il pense ou ressent. En gros, pour ceux qui me connaissent ici, mon frère est tout le contraire de moi. Bref, ça fait déjà quatre ans que je le saoule à lui dire qu'on devrait aller voir les Stones ensemble, que chaque année j'insiste, lui promettant qu'ils viendront bientôt et qu'on ira tous les deux. Lui, le casanier, me soutenant de manière permanente qu'il ne bougera pas de chez lui, trop vieux pour ces conneries. Il a quarante ans. Vous vous doutez bien que je n'ai pas lâché le morceau, et que dès la mise en vente des places pour le Stade de France, j'ai pris les deux sésames pelouse or qui allaient me permettre de vivre ce moment privilégie avec mon frère, rien que lui et moi. Dès qu'il a vu le ticket, il a vite compris qu'il n'avait pas le choix. Et c'est donc après une guerre sans fin contre le temps qui passe et les grèves SNCF que nous nous sommes retrouvés à Montparnasse hier vers 13h. Le temps de se poser une heure ou deux à l'hôtel, je décèle en lui une grande impatience et je le vois déjà presque sous un jour nouveau, car pour tout vous dire, voir mon frère impatient c'est comme voir Krychtov et ne pas l'entendre râler. D'ailleurs, je l'ai aperçu le Krychtov, calé dans sa tribune présidentielle, le regard hautain et la voix portante. Le temps d'un coucou, nous nous plaçons dans cette pelouse OR finalement pas si éloignée que ça de la scène, très belle d'ailleurs. Nous avons une excellente vue, et on espère vraiment que l'attente qui nous sépare de l'arrivée des Stones sur scène ne sera pas trop douloureuse. Ce sont les "Struts" qui s'occupent de chauffer le public. C'est pas forcément ma came, ce sont des minets qui font de la musique de minets, pour chiennes. C'est pas plus désagréable qu'un Café Bertrand (remember 2009), mais ça se finit mal pour eux. Le public ne répond pas aux gimmicks qu'essaie de lancer le chanteur dans sa belle tunique bleue, et le son est coupé avant la fin du set. Tout le monde se gausse, ouais, finalement c'était ridicule. Je me dis qu'un Rival Sons ou un The Answer aurait pu vraiment avoir sa place et gagner quelques fans. Bref.
Durant tout le moment qui nous sépare de l'arrivée des Stones sur scène, je ne peux m'empêcher de me refaire un petit historique mental de la relation que j'ai entretenue avec ce groupe par l'intermédiaire de mon frère, du grand amour que je porte à des albums comme Some Girls, Exile On Main Street, Sticky Fingers ou encore Between The Buttons, mais surtout, je sais à ce moment précis que si je suis là, c'est pour voir les Stones au moins une fois, enfin, ce qu'il en reste. C'est un monument que je me dois de venir applaudir une fois, ça sonne comme un devoir à remplir au fond de moi, que je ne serais jamais vraiment "accompli" si je n'étais pas là aujourd'hui. Et surtout, je revois ce topic, bombardé de vidéos et d'analyses + débats de sourd pour expliquer à quel point c'est devenu nul, que ça vaut plus rien, que Richards est l'ombre de lui-même. Tombons bien d'accord, Richards n'est certainement pas le guitariste qu'il était, Ron Wood est loin d'un Mick Taylor, ce sont des avis que je partage. Mais voilà, alors que j'y allais pour le symbolique, je suis ressorti du stade avec la sensation d'avoir passé l'un des plus beaux moments de ma vie. Ni plus ni moins.
Le groupe fait son entrée sur scène avec un Jumping Jack Flash du tonnerre, je ne le remarque même pas, mais je suis comme les personnes ultra-fans autour de moi, je saute en rythme, je chante, j'ai les larmes aux yeux. Y'a Keith Richards en face de moi, qui reproduit ses fameuses mimiques, y'a Mick Jagger qui chante comme un bon diable et qui se tortille comme un petit jeune de 70 ans. Ron Wood est là aussi, j'ai toujours aimé ce mec, il dégage quelque chose et n'est pas aussi mauvais guitariste que certaines mauvaises langues veulent bien nous le faire croire. Bref, premier étonnement, ça joue très bien... Et bon dieu, ça envoie. Ce You Got Me Rocking me laisse bouchée bée, je ne sais même pas ce qui m'arrive sur le coup, j'ai juste des larmes dans les yeux, c'est tout bonnement génial, je suis à fond dedans. Je chante comme je n'avais pas chanté depuis un 28 juin 2010 à Bilbao, moi qui suis pourtant tout le temps impassible durant un concert, me contentant de voir l'artiste jouer et surtout de pouvoir l'entendre déblatérer en live, je suis carrément rempli de bonheur et c'est avec un grand étonnement que je remarque que ce que je vois là, que ce qu'ils sont en train d'offrir, est à milles lieux des vidéos YouTube qu'on peut voir ici depuis qu'ils sont de retour. Keith délègue énormément à Ron et Ron fait le boulot de manière efficace sans prétendre au titre d'interprétation de l'année, mais putain, qu'est-ce que ça envoie... Ce qui est formidable avec les Stones, c'est que Jagger en plus d'être un chanteur et un entertainer de folie, arrive à te faire sentir important pour le bon déroulement de cette grande messe, chose que j'ai toujours cherchée et que je n'ai jamais trouvée chez un SEUL groupe par le passé. Tu as envie de chanter avec eux, tu as envie de leur donner autant qu'ils te donnent, mais surtout, tu as envie de te surpasser, et ça c'est un sentiment très étrange quand tu n'es pas forcément habitué à le ressentir. Sérieux, je me demande bien ce qu'il m'arrive. Même Keith putain, chaque solo est exécuté avec une certaine fébrilité touchante mais juste, il arrive à faire sonner ce qu'il joue, bien plus que je ne l'aurais imaginé. Toujours avec ces poses too-much, cette attitude désintéressée mais tellement reconnaissante envers les fans qui l'applaudissent, ce regard, ce sourire. Putain, c'est ça que je ne croyais pas avoir de la part des Stones, l'attitude, et pourtant... It's Only Rock N' Roll me fout des frissons, quel impact produit par les deux choristes sur les refrains, c'est juste prodigieux. Entendre "Tumbling Dice" m'a rempli de bonheur, entendre et voir Jagger assurer ce titre comme si il avait 20 ans est tellement impensable qu'on déguste chaque seconde avec une émotion et une énergie qu'on ne soupçonnait pas. Doom And Gloom est excellente et permet de bien doser le show après un "Wild Horses" impérial. Bitch est carrée et puissante, le groupe délivre une puissance qui "zlatane" tout sur son passage, comme l'avais promis Sir Jagger au début du show. Mais voilà, ce n'était que l'entrée, car à partir de "Out Of Control" c'est une autre histoire qui va se dérouler, on gagne en maîtrise et en profondeur. Le groupe ne joue plus son répertoire, il le vit, et de quelle manière. Que c'est carré, que c'est bien fait, que c'est beau tout simplement, je me dis que c'est impossible que ce soit le même groupe que celui que j'ai vu sur le dernier blu-ray live, ou même sur les vidéos YouTube. Tous sont en grande forme, et ce n'est pas l'interprétation dantesque d'Honky Tonk Women qui me donnera tort. Vient le moment de présenter le groupe, et quelle ovation reçue par Charlie Watts, méritée pour celui qui tient la machine d'une main de fer et l'empêche de s'emballer. Durant tout le show, il rock son monde en prenant bien gare à ne pas en sortir avec une justesse et un talent impressionnants. Keith s'empare du micro pour l'interprétation de You Got The Silver et Can't Be Seen, un moment très sympa, même si notre Keith ne chantait pas fort. Beaucoup d'émotions là-aussi.
Midnight Rambler suit, avec un Mick Taylor faisant passer Richards et Wood pour des débutants. Quelle maîtrise, quel touché, il fait passer tant d'émotions dans la mélodie que c'en est presque bouleversant. J'ai toujours aimé Midnight Rambler, ça doit être un des seuls titres au monde à avoir TOUT pour lui, la puissance, l'émotion, une certaine fébrilité qui apporte son humanité au titre, bref TOUT. Le groupe retranscrit tout cela de manière un peu maladroite certes, mais le moment est absolument formidable. Miss You suit, et déchaîne le public, qui chante avec Jagger et semble vraiment apprécier le moment. Il faut dire que c'est bien joué, il y a une certaine montée en puissance, et la positivité du morceau fait tout le travail. Une vrai éclate, et je ne parle pas de l'excellent solo de basse, qui finira de mettre tout le monde à genoux. Le groupe enchaîne Start Me Up, Sympathy For The Devil et Brown Sugar de manière à poser une base solide et puissante sur laquelle Jagger pourra s'appuyer pour faire le show, et ça marche. Je suis encore dans une transe pleine et presque effrayante tant je passe par tous les stades d'émotions, c'est juste fort, trop fort pour un seul 7.th. Comment ces mecs font-t-ils pour tenir ? Quelques pains se glissent ici et là, mais franchement, il n'y a rien d'horrible comme on pouvait le supposer en lisant les diseurs de bonne-aventure ici et là. L'interprétation est sincère, plus que correcte, puissante, on sent vraiment qu'ils veulent tout donner comme si c'était la dernière, et ils profitent du public autant que nous profitons de ce qu'ils offrent. Le rappel se fera avec une version absolument formidable de You Can't Always Get What You Want, avec une chorale pour appuyer les choeurs qui n'en avaient pas besoin tant le public était présent, mais c'était mignon quand même. un bon encas avant l'apothéose sur un I Can't Get No (Satisfaction) lancé par la guitare de keith dont le volume a été monté pour l'occasion. Tout le monde profite de ces derniers instants, avec émotion et donne tout ce qu'il a pour saluer le groupe avec le respect qu'il mérite après cette prestation de dingues !
Je ressors de là avec l'impression d'avoir simplement assisté au meilleur concert de ma vie, d'ailleurs j'ai toujours cette impression. Il y a probablement des défauts, un Keith obligé de ralentir par moment (sans que ce soit SI choquant et SI grave que ça, faut arrêter de remettre les capacités du groupe en question pour n'importe quoi) et qui fait quelques pains, tout comme Ron Wood d'ailleurs. Mais sérieux, comment rester de marbre face à une telle déferlante de classiques, offerts dans des versions vraiment convaincantes et puissantes et par l'attitude ces mecs qui ont tous dépassés la soixantaine ? J'y allais à reculons, m'attendant à voir ce qu'il reste des Rolling Stones, m'attendant à un moment juste sympa. Mais non, j'ai vu les Rolling Stones tels que j'ai toujours rêvé de les voir. En forme, généreux, avec une attitude qu'aucun autre groupe n'a, au même titre que la maîtrise d'ailleurs. J'en suis ressorti à genoux, les larmes aux yeux, j'étais perdu, je ne comprenais pas ce qu'il venait de se passer. Tout ce que je savais, c'est que j'avais partagé un moment vraiment particulier avec mon frère, chose dont je rêvais depuis des années, et ce, en présence de meilleur groupe du monde ni plus ni moins. Aujourd'hui, je ne comprends vraiment pas le plaisir que peuvent prendre certains à analyser chaque faux-pas, à vouloir imposer leur vision selon laquelle les Stones sont morts depuis 74. Si eux sont morts depuis 74, et bien dans ce cas-là, AC/DC l'est depuis 1980 . Pourtant je l'ai cherchée cette interprétation misérable et indigne des Stones, elle n'est jamais venue, j'y croyais pourtant, à voir YouTube et les analystes de ce forum, ça me semblait inévitable. Dommage, apparemment, la seule chose inévitable aujourd'hui c'est que les Stones demeurent le plus grand groupe du monde, et ils l'ont prouvé avec brio hier soir. Offrant au public le meilleur d'eux-mêmes, pour un concert parfait et honnête par rapport à leur âge, en tout cas, bien plus honnête que beaucoup de groupes plus jeunes et qui sont beaucoup moins impliqués quand il s'agit de jouer un concert et de créer un véritable contact avec la foule. Je n'en reviens toujours pas, pour moi il y aura carrément un avant et un après ce concert. C'était juste parfait, de la prestation du groupe, au sourire qu'on pouvait voir sur le visage des gens à la sortie, qui s'exclamaient : "Putain, ils l'ont toujours !" Les Stones vivent avec leur temps, et font les ajustements qu'il faut pour faire rêver le spectateur et l'emmener avec eux dans 2h15 de voyage et de sincérité. Merci Mick, merci Keith, merci Ron, merci Charlie ! Merci du fond du coeur pour ce moment incroyable et hors du temps. Et surtout, merci pour m'avoir permis de vivre ce moment avec mon grand frère, j'en ai tellement rêvé que c'est dingue de se dire que ça a finit par arriver, avec une telle qualité. J'en pleure encore au moment ou je finis d'écrire ces lignes.
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AC/DC est éternel.