LAUSANNE 11 AOUT 2007...
Je me souviendrai longtemps de cette épopée suisse. Nous sommes partis avec Christelle en milieu de matinée, sous un magnifique soleil. Ce n'est pas un mince détail car des trombes d'eau s'étaient abattues sur Besançon et la Suisse durant les 4 jours précédents, provoquant des crues inhabituelles en cette saison (mais est ce vraiment l'été ?)... Le cœur vaillant mais dépourvus de billet...
Sortie Lausanne Nord, nous parcourons à peine quelques centaines de mètres et déjà un parking concert est fléché. Parfaite organisation helvétique, et sachant que les parkings du stade sont neutralisés, nous nous garons sur cet immense parking gratuit de la navigation, à proximité du port de Lausanne. Un vigile sympa nous indique la marche à suivre pour nous rendre par bus au stade olympique qui surplombe la ville. Petite erreur de manip pour acheter nos deux billets, la machine ne rend pas la monnaie, alors que nous n’avons alors en poche que 5 F suisses. Mince ! Un suisse nous offre 2 F pour acheter notre second billet. La journée commence très bien. 20 minutes de bus pour accéder au stade, et l’occasion de vérifier s’il en est besoin que Lausanne est une superbe ville, toute en pente et comme arrimée à plusieurs palliers. J’ai une pensée pour mon oncle Jean, qui coureur cycliste professionnel après guerre me parlait souvent de la terrible course qu’était « A travers Lausanne », à laquelle il a maintes fois participé. Je comprends mieux alors que le bus dévore péniblement les côtes très raides. Nous arrivons au stade vers 14h45, alors que les portes viennent à peine d’ouvrir. Il fait un temps magnifique, et le public encore peu nombreux commence à pénétrer calmement dans le stade.
Commence le premier épisode cette journée, la chasse aux billets. Il est presque 15 h. Il y a peu de vendeurs en ce début d’AM, et les prix sont exorbitants. De 180 à 200 € le tix ! Je rassure Christelle, comme je le peux, car je suis moi même un peu inquiet et quelque peu dépité. Et si la configuration particulière de ce show changeait un peu la donne du marché noir ? On nous indique la présence d’un vendeur de billet planqué près de la station service en face du stade. Le gars, germanophone, perché sur son vélo ( !) a en sa possession pas moins de 25 billets. Impassible, il reste campé sur ses positions : 150 € l'unité. Niet. Christelle ne se démonte pas. Elle se confectionne rapidos un petit panneau « Recherche deux places ». Le temps passe, mais il faut avoir le courage, le cran d’attendre… Les minutes s’écoulent, certains acheteurs craquent, et plusieurs billets sont vendus sous nos yeux 150 €…Le public commence à affluer en masse, très calme. Pas de bousculade, fun and sun. Nous décidons de quitter l’entrée Nord du stade, conscients de la petite histoire qui s’y trame. Direction 300 mètres plus bas, au pied de l’arrêt de bus qui déverse un flot continu de Stones aficionados. Il est 16h45. Christelle attire tous les regards avec son petit panneau. Elle fait tout cela pour moi. Une dame bien mise s’approche d’elle, un billet en main. Une rapide transaction s’opère. « 40 Francs suisses » lance t’elle, 25 € . Le miracle a lieu. Un billet, un ! Christelle me dit de courir au stade, elle m’attendra dehors. Pas question. Il nous faut un second billet. 10 minutes passent, un fan qui cherche un billet depuis des heures et qui nous a accompagné toute l’AM est aux anges : il a son sésame. Nous sommes heureux pour lui, son sourire en dit long. « Vous cherchez un billet mademoiselle, 50 € ça va ? ». Oh que oui, nous avons nos deux billets ça y est, il est presque 17 heures ! Notre compagnon de recherche et moi échangeons nos billets. Ma pelouse entrée sud pour lui, et nous voilà en possession de deux pelouses entrée Nord. Je suis heureux comme un gosse, nous remontons vers le stade le cœur léger. Le second épisode commence. Place au concert.
Entrée dans le stade. J’appelle Dan. Il est front row côté Keith… Le stade est en pleine effervescence, une petite fourmilière. J'adore ce moment là, quand on découvre la scène des réjouissances. Plein de petits stands de restauration asiatique, mexicaine… On est loin de la misère gastronomique du SDF. L’ambiance est festive. Je suis heureux, déjà…
Entrée dans l’enceinte. La scène, géante. Nous faisons l’extérieure. J’aperçois Pat. Nous rejoignons sans peine le front row. Les Twis sont là. Dan, Pat, Citadel, Benjamin, Lacride et Loïc. Un tableau un peu irréel, jamais ne n’aurais imaginé il y a encore 24 heures partager un tel moment de bonheur avec eux. Benjamin est en pleine forme, son amour pour les Stones fait du bien à voir et… à entendre . J’embrasse tout le monde. Je suis ému. Lacride sympathise avec un spectateur, croisement entre Mick et Steven Tyler…
19h-20h. Les Dandy Warhols font leur entrée. 4 musiciens, le batteur est légèrement au premier plan, au milieu de ses comparses. Une jolie jeune femme au clavier. Le groupe de Portland est excellent, et bénéficie d’un son de très bonne qualité. Répertoire éclectique, chanteur de très grande facture. Un excellent moment. Je vais apprendre à mieux le connaître ce band de l’Oregon.
Nouvelle attente, pour les Stones cette fois ci. Benjamin pronostique une entrée sur scène du groupe à 20h50. Bon ! Et Keith ? Comment va se présenter celui que je n’ai en réalité que croiser à Paris. Dan me parle de Lyon. J’espère en silence. Nous sommes d’accord, dès Start me up, nous verrons quel feu brille dans les yeux de Keith. Et nous saurons.
21 h tapante, les Stones déboulent. J’aperçois Keith backstage, prêt à surgir. Intro vidéo, ma douce a déjà des étoiles dans le regard. Ouch ! Je suis à 5 mètres de la scène, j’ai 18 ans là. C’est parti, début du voyage.
Start Me Up, intro réussie de Keith, souriant, bonne mine, Mick s’avance, Citadel et Benjamin pleurent à chaudes larmes. Mes yeux restent secs, je n’en suis pas moins bouleversé. Ils sont là. Ça pulse, et méchamment. You Got Me Rocking, bon, je ne suis pas un fou de ce titre, mais là, expédié droit dans la face, imparable. Rough Justice, bon là j’adore. Riff en avant, les Stones que je préfère. Ronnie parfaitement en place. Bitch, bonne version, les cuivres sont certes peut être un peu trop présents, mais le chant de Mick emporte toute contestation.
Première surprise, Love is Strong. Superbe version, avec un Keith très appliqué sur le pont. Dan irradié, moi de même. Pas de pause, You Can't Always Get What You Want, émotion, Mick superbe, envoûtant, un titre magnifique, vraiment.
Thunder, storm on Lausanne, Midnight Rambler ! Upercut. Tu l'as Benjamin Un groupe en parfaite cohésion, Ronnie et Keith en osmose, Mick maître de cérémonie qui tient dans sa main un public conquis. Des envolées blues presque jazzy dans la nuit, je souhaite que cela ne finisse jamais. Je décolle. I'll Go Crazy -Lisa miss Lacride est magnifique, peau halée, chanteuse torride et Tumbling Dice, pour redescendre un peu. Quel début de show !
Au tour de Keith, toujours très ému lorsque l’ovation le cueille comme un jeune débutant. You Got The Silver : bouleversant. Chant impeccable caressant les étoiles, slide de Ronnie cristallin. Chair de poule. Suit I Wanna Hold You, pas indispensable, mais meilleure que la très plate version de Paris.
Surprise jusque dans la fosse quand les Stones prennent poression de la B stage. Un tonitruant It's Only Rock'n Roll électrise le stade, avec des riff tranchants de maître Keith, décidément en forme. Seconde bonne surprise, une pepite de 1978, Respectable, suivie d’une bonne version de Satisfaction. Intro ratée par Keith de Honky Tonk Women, pour une version qui ne décollera jamais vraiment. Retour sur la scène et une version convenable de Sympathy For The Devil, mais sans plus : un clavier qui pollue l’intro, et des guiatres qui ont du mal à s’imposer. Le visuel –ambiance rouge et diabolisante- l’emporte nettement sur la musique. Mais Paint It Black est en revanche excellente, avec un très bon Keith et une batterie parfaite.
C’est presque déjà ( !) fini. Jumping Jack Flash, good one, et Brown Sugar, intro dans les choux de Keith mais la suite est de très bonne facture.
Je sais la réputation qui est la mienne sur TWIS. Râleur impénitent, taxé parfois, et c’est blessant, de me réjouir des mauvaises review. Certains devraient me lire sous d'autre cieux, j'adopte la même posture avec mes autralo-écossais... Je pourrais écrire des centaines de lignes à ce sujet et sur la nature de ma relation avec les Stones. Je les aime avec leurs défauts et leur faiblesses, je ne peux pas en faire fi, je ne peux les ignorer. Dan l’a dit, je n’ai pas toujours été très chanceux avec le groupe. Après l’émerveillement de Longchamp en 95, j’ai connu le SDF en 98, avec les cailloux à une guitare (Ronnie débranché), un très moyen SDF 2003, un bon Hockenheim, l’abattement total après l’annulation de 2006, et le SDF 2007… Je ne pouvais me résoudre à quitter ce groupe que j’aime depuis presque 30 ans sur la fausse note parisienne dans ce stade trop grand ce soir là.
Il y a eu Lausanne. Ironie du sort, c’est dans cette ville que j’ai vu ACDC la première fois, en 1988… J’ai pu dire au revoir aux Stones comme je le voulais, épuisé mais heureux. Ils ne me doivent rien. Je les aime. Et je les ai toujours aimés. A ma façon. Peut être plus passionnément que raison tout compte fait…