par iangillan » 24 Déc 2020, 11:36
Pourquoi est-ce qu'on tombe raide amoureux ? Comment notre amour parvient-il à survivre en évoluant ? Pourquoi se met-on un jour à douter, alors que tout allait bien ou presque ? Pourquoi divorce-t-on ? Et peut-on recoller les morceaux après une séparation ?
S'agissant du AC/DC actuel, je ne me suis pas caché d'un réel désamour (car je les ai aimés, et chaudement, pendant 35 ans), qui a commencé avec l'ère des stades (or bust) et du sellout, ce que j'ai appelé l'ère « Raque or bust » dans un sujet posté il y a bien longtemps. Non par snobisme (le retour du mega-succès était tellement mérité!), mais parce que dans le succès mainstream et popcorn, des erreurs majeures ont été commises – pour moi, l'ère Rock or Bust rappelle l'Allemagne 2018, l'Espagne 2014 ou la France 2002 (parlons foot): la recette gagnante finit en surgelé (survendu). Là où pour bcp, la césure a été le remplacement de Brian Johnson, à mes yeux, les erreurs décisives ont été commises en amont, avec un album sans inspiration, caricatural et popcornisé (RoB) sur fond de marketing total, de sellout sans vergogne et … de coups du sort à répétition, que le groupe n'a pas pu ou su gérer (il est vrai que ce n'était pas facile).
Lorsque j'aborde Power up, c'est donc sans amour – envolé ou presque – mais avec nostalgie et curiosité, sans espoir particulier, même si je n'oublie rien de ce que ce groupe a accompli, et combien il a compté pour moi : je veux savoir ce qu'est devenu mon grand amour, et lorsqu'il se pointe à une soirée où je me trouve, je me demande secrètement, sans oser y croire, si par hasard la flamme ne pourrait pas être ravivée, qui sait. On a vu des résurrections, des retours de flamme spectaculaires après des crises de plusieurs années, et là au moins le line-up est crédible; les conditions sont donc réunies pour que potentiellement le groupe se relève après la désastreuse période post-Black Ice.
Après une longue conversation avec mon ex, j'aurais aimé pouvoir dire que je suis comblé, ou alors au contraire que je suis complètement dégoûté – au moins j'aurais pu procéder à un dézingage cathartique (je sais, c'est pas beau). Au final, je suis juste déçu une fois de plus.
Ca ne marche pas, ça ne prend pas ou plus sur moi. C'est probablement davantage dû au fait que mes goûts ont changé, au fait que je n'ai plus pour eux les yeux de Chimène, qu'à l'album lui-même, album que j'aurais probablement aimé il y a 30 ans : à mes oreilles le groupe est égal à lui-même, – y compris des textes mauvais et … pénibles pour des vieux messieurs de 70 ans. Ok, on s'en fout... AC/DC soi-disant c'est toujours pareil, on sait ce qu'on va trouver. Et personne n'écoute les paroles. On veut juste notre dose, n'est-ce-pas ? Et les défauts de l'ex, on les connaît, ça ne nous empêchait pas de l'aimer dans le temps...
Alors allons-y :
Il y a de bonnes idées ça et là. Il y a même deux moments (pas trois, pas quatre) où je kiffe : le plan de guitare sur Kick you when you're down, et dans une large mesure No Man's Land. Je ne vais pas détailler ce que j'aime et ce que j'aime moins parmi le reste, titre par titre, mais je ne peux que rejoindre ceux qui, avant moi, ont décrit pourquoi, au final, ça ne décolle pas vraiment, malgré des moments positifs et un niveau d'ensemble convenable. L'un d'entre vous (bluebell je crois) parlait de la bête qui tressaute encore parfois: c'est tout à fait pertinent.
Le problème est moins que je n'aime pas un titre sauce ricaine comme Through the Mists... (il y a presque toujours un ou deux morceaux médiocres par album) que le fait que dès qu'on pense que ça décolle, ça retombe – souvent au moment du refrain, parfois avant. Cas d'école : Kick... J'aime assez le début surprenant (je suis preneur de toute innovation … dans le cadre d'une identité bien définie, nous sommes d'accord), puis le plan de guitare évoqué ci-dessus, mais alors le refrain... on dirait du Quiet Riot, du Poison ou autres médiocrités des années 80. J'entends d'ici O'Brien leur parler de « refrains iconiques » et de ce que « veulent les gens ». Même combat pour Shot in the Dark (refrain décongelé après quelques saveurs prometteuses). C'est presque toujours la même chose : un riff « typique » très oubliable, un mid-tempo, une mélodie déjà entendue, avec ça et là une bonne trouvaille, et pas mal de lourdeur « iconique ». Le fait est que la plupart des morceaux sont d'honorables fillers, y compris ce Witch's Spell dont j'entends monts et merveilles. Ils n'ont pas démérité, O'Brien les a embaumés avec beaucoup de savoir-faire : c'est déjà bien, mais il m'en faut plus. Beaucoup plus qu'une belle momie pour retomber amoureux.
Bilan : je comprends parfaitement ceux qui sont ravis, parce qu'AC/DC nous fait du AC/DC, et ce à un niveau que ceux qui ont été traumatisés par l'intermède burlesque d'Axl Rose ne peuvent que trouver réconfortant. En ce qui me concerne, n'ayant nullement été traumatisé (juste attristé) par cet épisode, je vois dans Power up un léger progrès par rapport à Rock or Bust, mais hélas dans la continuité (prod, esprit) de ce dernier.
Je me rends à l'évidence, quelles que soient leurs qualités, ils me rasent désormais avec leurs idiosyncrasies. C'est comme ça. C'est la vie, c'est l'amour.
Whether I'm drunk or dead -- I really ain't too sure ...