L'info est tombée récemment, dans l'indifférence générale: l'interprète américain Billy Joe Royal vient de décéder à l'âge de 73 ans. Totalement oublié. Il a connu son quart (de quart) d'heure de gloire au milieu des années 60 avec une chanson encore plus oubliée, Down in the Boondocks (1965). Ceux qui aiment la médiocrité et l'insignifiance passée peuvent l'entendre sur youtube. Je ne posterai pas le lien, malgré mon respect (ou à cause de mon respect) pour les morts.
Fin de l'histoire.
Fin de l'histoire ...
Bon, oncle iangillan a oublié un petit détail, à savoir que l'auteur de ladite chanson est un certain Joe South. Un certain Joe South ?…. : ne cherchez pas, ce n'est pas ce nom que vous connaissez mais ne remettez pas, ni le chanteur d'Aerosmith, ni le guitariste de Lynyrd Skynyrd, non, c'est juste un nom de scène de Joseph Souter, born in the USA en 1940, chanteur, guitariste, et songwriter, récemment décédé lui aussi, nous dit wiki, qui ne se trompe jamais. Songwriter oublié, ajouterons-nous pour faire bonne mesure, mais ce n'est pas très objectif, et je crains qu'on ait droit à un signalement dans wiki (« cet article ne cite pas suffisamment ses sources et est vachement subjectif », ou un truc de ce goût).
Bien. Joe Souter (South) est un pote de Billy Joe Royal. Il lui file quelques chansons. Dont le quart de tube « Down in the Boondrocks », et puis une petite chanson pas mal, interprétée par Billy Joe en 1967 :
https://www.youtube.com/watch?v=iz4Kneqsk70Force est de reconnaître que non seulement Billy Joe, le royal, a un talent d'interprète certain (au-delà du caractère absolument ridicule de sa chemise et de sa cravate, que nous mettrons sur le compte de l'époque reculée --- 1967 --- , car de nos jours une telle faute de goût n'arriverait plus, c'est aussi certain que le talent d'interprète de BJR et la fin du playback), mais aussi de reconnaître que la chansonnette en question s'écoute tout à fait – et c'est un euphémisme. Quiconque aime la pop (et je confesse humblement que c'est mon cas) se doit de déceler l'énorme potentiel mélodique de ce titre ! C'est Hush (« chut ! »), « silence, j'ai cru l'entendre prononcer mon nom » ...
Or, ne voilà-t-il pas qu'en cette époque de reprises sans vergogne, où un crooner belge peut se permettre de beugler « noir c'est noir » sans déclencher l'hilarité générale, mais aussi où un guitariste-star noir américain peut reprendre un titre de Bob Dylan (et le transcender!) quelques mois après sa sortie – tous les vieux auront reconnu Jimi Hendrix et son interprétation superbe de All along the watchtower : ceux qui ne connaissent pas, faut qu'ils se ruent sur cette reprise absolument classique et fabuleuse --- en cette époque de reprises, disais-je, et de « gap » transatlantique, un petit épigone anglais du nom de Kris Ife reprend Hush de Joe South/interprété par BJR (vous suivez?), juste quelques mois après :
https://www.youtube.com/watch?v=f8iRXGIR7rAC'est bien aussi, non ?
Bien. Et alors ? Eh bien, un groupe anglais naissant, talentueux, mais en quête de direction musicale, s'empare de la chose, car figurez-vous qu'un matin le guitariste, surtout connu pour son travail en tant que musicien de sessions (un peu comme Jimmy Page à la même époque), un angliche répondant au nom de Ritchie Blackmore, entend le titre, et se dit que ça pourrait faire une accroche pour le premier album de son « supergroupe » , désignation anachronique car inconnue en ces temps reculés (NB désolé pour le son pourri, j'ai privilégié le côté pittoresque-psyché-british de la video sur la qualité du son) :
https://www.youtube.com/watch?v=_4QBhC1uCP4 -- le mec en serviette/slip, c'est le premier chanteur de Deep Purple, Rod Evans (les Evans n'ont pas de chance, cf Dave Evans et Mark Evans), flanqué du bassiste Nick Simper et bien sûr de Blackmore, Paice et Lord (très à son avantage avec son épuisette).
Inutile de rechercher un travail profond sur le titre, l'époque est à la reprise « point barre », on se pille allègrement les uns les autres, on se reprend/se pompe les uns les autres, et advienne que pourra – par contre l'interprétation est déjà purpleéenne, en termes stylistiques. Notons que Deep purple n'hésite pas à reprendre à tout va, sur ses premiers albums … Un autre exemple ( realativement raté) :
https://www.youtube.com/watch?v=S14XaF6bW7AUn autre exemple (plutôt réussi) :
https://www.youtube.com/watch?v=5_ch2shcQDUQuoi qu'il en soit, cette reprise de Hush deviendra le premier « hit single » du groupe, notamment aux USA, faisant du Pourpre un quintette à la mode, l'équivalent des One Direction en 1967 – au point de fasciner Hugh Hefner et « Playboy » -- impayable !!!! -- les plus impatients (ont tort, mais) iront à 1.20':
https://www.youtube.com/watch?v=KiXcqxms3BsEt puis la première vague hard rock va débouler, avec ses Led Zeppelin II, ses Paranoid et ses In Rock, et cette chanson va tomber rapidement en désuétude, au point de faire partie des vieilles lunes qu'on a un peu envie de cacher, comme le cousin efféminé dont tout le monde a un peu honte, et parce qu'entre Highway Star et Smoke on the Water, il n'y a guère de place pour une rengaine 60s et ses « na – nananaa- nana-naa- nananaaa » …. Par contre, Hush fait beaucoup moins figure d'OVNI dans la carrière de Purple si on consent à le mettre en relation avec la première chanson jamais enregistrée par le Mk II, le line-up classique (Blackmore-Gillan-Glover-Lord-Paice), une chanson àmha fabuleuse et totalemnt oubliée, Hallelujah (1969) -- please, tenez au moins jusqu'au solo de Blackmore, à tomber sur le cul en dépit de sa sobriété:
https://www.youtube.com/watch?v=5b375QyDAEYpuis, 20 ans de silence ....
Curieusement, et à la surprise quasi générale, Hush refait une apparition en tant que réenregistrement studio en 1988, à l'occasion des 20 ans du groupe, sur Nobody's Perfect, le live de la tournée House of Blue Light :
https://www.youtube.com/watch?v=u1kZ9zYr7kkPuis la chanson retombe dans l'oubli, dont elle n'était pas vraiment sortie depuis 1968.
Jusqu'au jour où un guitariste américain, suffisamment jeune pour être rompu à toutes les techniques modernes, mais suffisamment vieux pour avoir entendu « Hush » dans son adolescence, rejoint Deep Purple en 1994 : Steve Morse insiste auprès du groupe, dès son engagement, pour que la chanson soit réactivée en live. Et elle constitue depuis – depuis plus de 20 ans, en fait – un rappel incontournable du set de Purple en live, sous une forme étirée avec plein de solos voire d'impros :
https://www.youtube.com/watch?v=UIXQrIWd_OwPour terminer, je laisse à chacun le soin de déterminer laquelle de ces deux reprises récentes il trouve la meilleure :
Gotthard(Suise) :
https://www.youtube.com/watch?v=FxwWAJEempQKula Shaker (UK, n°2 dans les charts en 1997) :
https://www.youtube.com/watch?v=cxBBvAJwG44edit: on pourrait penser que le succès de cette dernière reprise a pu encorager DP à définitivement faire un "show-stopper" de cette chanson