PATTI SMITH A INVENTE LE ROCK N ROLL !!Bon, certes, l'affirmation est un peu péremptoire et peut prêter à débat. Disons que Patti "Schmidt", comme dirait Jul', est la première rockeuse. Et à ceux qui me diront "et Janis Joplin, c'est du pipi de chat ?" je répondrai qu'elle a été une excellente interprète, mais qui n'a pas réussi à se départir du carcan machiste dans lequel était enfermé le rock. Patti, elle, a su placer le féminisme au centre de son art en brandissant le "girl power" bien avant que les Spice Girls n'en fasse un gimmick ridicule.
Vendredi 24 juillet, Patti Smith nous a donné une grande leçon de rock. J'y suis allé avec un certain bagage, mais sans pouvoir me considérer comme un grand spécialiste. J'écoute très régulièrement Horses, je connais les hits des années suivantes, mais une bonne partie de sa discographie me reste inconnue. Arrivé en spectateur curieux, je suis reparti en fan conquis. Pour ses chansons, mais aussi pour tout ce qu'elle dégage.
Comme souvent, le Théâtre antique de Fourvière ne commence à se remplir qu'à une heure avancée. En arrivant pépère 1 heure avant le début du concert, je peux facilement me placer dans les 3-4 premiers rangs, avec une vue imprenable sur la scène et sur le groupe qui se produira tout à l'heure à quelques mètres de moi.
Je discute un peu autour de moi, et fais un premier constat : il y a deux types de personnes ce soir dans le public, qui souvent vont de pair : les gros fans et les lesbiennes. Les filles qui m'entourent, qu'elles aient 60 ou 20 balais, sont de grandes spécialistes de la chanteuse, laquelle représente manifestement une figure tutélaire en termes d'affirmation de soi. Impressionnant de voir, quelques temps plus tard, la ferveur avec laquelle elles reprendront les différentes chansons qui nous seront offertes.
Pas de première partie (ce qui n'est pas plus mal après la désastreuse performance de Raw une semaine plus tôt en ouverture d'Iggy Pop), le groupe, chacun élégamment vêtu (à croire qu'ils s'inspirent de Vintage Trouble), arrive tranquilou sur scène à 20h30. Patti est là, marquée par les ans, la crinière d'un blanc immaculée, mais avec une réelle malice dans les yeux. Alors que les instrumentistes se mettent en place, elle entame les premières paroles du show :"Jesus died for somebody's sins but not miiiiine...". On en est à peine à l'introduction de Gloria que la chair de poule m'envahit ; le concert pourrait finir que j'aurais quand même passé une formidable soirée.
La chanson monte doucement en puissance, et le public s'époumone sur le refrain "G-L-O-R-I-A, Gloooooooooooooria !!!". Ce n'est pas forcément la même ambiance que pour Iggy la semaine d'avant, ce n'est pas un public de chiens fous, il n'y a pas de pogos et encore moins de slams. Mais la dévotion est là, c'est certain. "Elle est trop trop là", glisse la nana à ma gauche, et je la comprends. La présence, le charisme de Patti tiennent de l'évidence, et quand on ferme les yeux, c'est la même voix qu'en 1975.
La première partie du concert sera consacrée à l'interprétation de l'ensemble de l'album Horses, sorti il y a quarante ans. Le public groove sur Redondo Beach, écoute religieusement Break it up ou Elegie, actualisée par l’égrainage des compagnons de route disparus (Fred Sonic Smith évidemment, mais aussi Jimi Hendrix, Lou Reed, un paquet des "frères" Ramones... la liste est hélas bien longue). Il se lâche gentiment (comprendre : il sautille sur place) sur les morceaux plus rythmés comme Free Money. Après un Horses du feu de Dieu, la foule se compacte légèrement, mais ça reste très supportable. "On ne respire plus" dit la nana devant moi. Et bien d'une, tu n'avais qu'à pas te ramener avec un sac à dos de 4 kilos, et de deux on voit que tu n'a jamais eu à te battre pour une pelouse or pour AC/DC

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Patti cabotine gentiment avec le public, comme par exemple, en réponse à quelqu'un lui criant "You're New York's Diva!", en nous gratifiant d'un "Non, vous tous !" en Français dans le texte. Il y a plein d'autres exemples ; l'envie de donner, l'échange, sont bien là. Pendant ce temps, le groupe, heureux d'être là et pas franchement manchot, s'amuse à brouiller les pistes en interchangeant régulièrement les instruments (spécialement le claviériste et le bassiste).
Au bout de 45 minutes, l'album est joué. J'ai une petite frayeur en me demandant si le concert touche déjà à sa fin. Évidemment non ! Après une petite révérence, le groupe enchaîne avec une seconde partie plus bigarrée, mais tout aussi géniale.
Je vous demandais dans ma review sur Iggy si vous connaissiez beaucoup de personnes qui se jetaient dans le public à 68 ans. Et bien, Patoche le fait elle aussi !! Bon, ça n'était pas un véritable "saut", mais elle nous fera le plaisir de descendre dans la fosse entre la scène et la barrière pour aller au contact du public, pendant que le groupe se fait plaisir sur un medley du Velvet Underground. Grosse émotion pour les premiers rangs, qui fera dire à ma voisine de droite "Putain, c'est la patronne !".
Après un Because the Night quasi obligé, Patti finit en beauté avec un People have the Power qui rend dingue l'une de mes amies du soir (et le reste du public). La chanteuse en profite pour haranguer le public, avec un discours certes un brin naïf, mais plein de conviction : le monde n'appartient pas aux entreprises, à l'armée, à tous ceux qui veulent penser à votre place, mais à vous ! The future is now and you've got the power !
Le public est en liesse, mais histoire de bien nous achever, nous avons le droit en rappel à une reprise à la testostérone de My Generation. Patti endosse pour l'occasion une guitare électrique, qu'elle s'amusera à triturer, puis à torturer, en lui enlevant les cordes une à une. Le concert finit en apothéose, le public n'en peut plus, les larmes coulent autour de moi. Le groupe salue une dernière fois, balance des médiators (dont la moitié resteront en fait sur scène ; le bassiste n'est pas le roi du lancer

) et des fleurs, et s'en va, visiblement aussi heureux que nous.
On utilise souvent à tort et à travers l'expression "légende du rock", pour parler tant de Jim Morrison que de David Guetta. Patti Schmidt, bien qu'elle le mérite mille fois, ne revendique pas ce titre. Elle se contente de chanter avec une conviction stupéfiante, comme si sa vie en dépendait. Ce soir là, sa prestation tenait de la profession de foi. Et ça, même sans avoir à le clamer, ça vous forge des légendes.
Next : Robert Plant.
PS : blackice : c'est pas un T-shirt "Raw" mais "Raw Fucking Power" ! Non mais !
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godown67 le 30 Juil 2015, 16:32, édité 2 fois au total.