Excellente soirée vendredi au Théâtre antique avec Iggy et ses acolytes.
Comme lors de mon précédent concert de l'Iguane, en ces mêmes lieux il y a 5 ans, je suis arrivé vers 18 heures, et comme la dernière fois, c'était largement suffisant pour se retrouver tout devant, puisqu'à peine une dizaine de personnes me devançaient.
Après une petite attente, je me colle donc contre la barrière et commence à discuter avec mes voisins. A ma droite : un jeune couple fan de Bowie et consorts, qui se demande si Iggy se jettera dans le public "comme le dingue qu'ils ont vu en première partie d'AC/DC au Stade de France il y a deux mois". A ma gauche : un grand barbu qui embraye en disant que ce soir là au SDF, il a porté le chanteur de Vintage Trouble pendant qu'il prenait son bain de foule. Mais bordel, tout le public est allé voir AC/DC ou quoi ?
J'approfondis le dialogue avec mon voisin de gauche, qui me dit qu'il les a aussi vu à Hockenheim, ainsi que plusieurs fois sur la tournée Black Ice. Voyant que c'est manifestement un fan, je lui demande s'il lui arrive de traîner sur ce forum. C'est ainsi que j'ai fait la rencontre de Rockfan, avec qui j'ai passé le reste de la soirée. Une bien belle rencontre, en espérant que l'on se reverra en d'autres circonstances ! On discute également avec la voisine de Rockfan, une petite pitchoune bien sympa avec une solide expérience en matière de concerts (Camilla, si tu viens en ces lieux, contacte-moi pour m'épeler le nom de ton groupe punk imprononçable !).
Vers 21h30, arrive la première partie. Un duo français, Raw, qui a du vivre les 30 minutes les plus longues de sa vie. Ils déboulent plein d'envie, montrent leur volonté de chauffer la salle, tout en faisant l'erreur (la première) de nous dire que "nous sommes dans un théâtre antique, donc si on veut les virer, il ne faut pas hésiter à le faire savoir". Il ne croyait pas si bien dire...
Bref, le premier prend son saxo pendant que son acolyte DJ se colle aux platines. Oui, vous lisez bien, un duo saxo/DJ... Le gars commence à jouer, et ne sortent que quelques notes éparses et pas très audibles. Pendant ce temps là, le DJ lance crescendo un bourdonnement vite éprouvant. Au bout de 2 minutes, le saxo s'excuse, il a un problème technique avec son instrument, qu'il va remplacer par un autre. Bien sûr, on ne lui en tient pas rigueur, on a même de la sympathie face à cet imprévu qui doit bien lui mettre la pression. Hélas, ça ne va pas en s'arrangeant. Si le second sax fonctionne effectivement mieux, ce qui en sort est... je ne sais pas trop le décrire. Incongru, bordélique, hérissant, un peu tout ça à la fois. Il alterne quelques arpèges certes intéressants mais bien trop courts pour qu'ils nous transportent, avec des "poin-poin" donnant l'impression que mon neveu de 5 ans peut le faire. Déjà pas top comme ça, mais ça devient franchement pénible quand le DJ s'y met. Il ne fait pas grand chose le DJ (même si avec ses mimiques, il donne l'impression de faire le mix le plus pointu au monde) : il se contente d'appuyer sur le bouton "ruche d'abeilles distordue" et fait durer ça pendant 20 minutes.
On est d'abord surpris, puis gênés par cette définition musicale de "ni fait ni à faire". Je reste là à écouter poliment, mais beaucoup franchiront l'étape de l'exaspération. Les apostrophes plus ou moins fleuries fusent, bientôt suivies par des objets non contondants : bouteilles vides, coussins. Au bout d'une demi-heure, le duo infernal jette enfin l'éponge, et part sous quelques applaudissements polis et beaucoup d'insultes. Je suis dur avec eux ?
Visiblement je ne suis pas le seul.Gros raté pour cette première partie, donc. Heureusement, ça n'émousse pas la motivation du public, qui attend avec impatience du roi de la soirée. C'est chose faite à 22h30, avec l'arrivée du groupe, qui montre immédiatement qu'ils ne comptent pas faire de survivants ce soir, avec une brochette impériale : No Fun, I Wanna Be Your Dog, The Passenger, Lust For Life. Le tout sans temps mort ou presque, juste le temps pour Iggy de nous gratifier de quelques "Bon-fuckin'-soir" et autres "Fuckin' thank you". Le public est déjà conquis et se déchaîne. Des slams commencent à s'organiser, et ne s'arrêteront pas avant la fin du concert. A tel point que c'est parfois éprouvant physiquement : comme je le dirai à Rockfan plus tard, j'ai régulièrement cette impression que le public n'est pas derrière moi mais
au dessus de moi !
Iggy est comme à son habitude, survolté. Passée la première chanson, où il aura la pudeur de porter une veste en cuir à même la peau, il fera le reste du concert torse nu, et par moment avec son pantalon mode taille (très très) basse. Il saute partout, squatte le devant de la scène, serre des paluches, s'asperge d'eau... et sourit. Je suis frappé, à de nombreuses reprises, par la franchise de son sourire. Par l'impression qu'il donne d'être là pour s'éclater, mais en même temps pour tout donner à son public, et d'être envahi par une vague de bonheur quand il voit l'ambiance de la foule.
L'âge n'a pas de prise sur Iggy, ou si peu. Certes, le muscle est plus flasque qu'il y a 10 ou 20 ans, les rides sont présentes, et il a toujours cette satanée veine sur sa poitrine qui donne l'impression qu'il peut à tout moment faire une rupture d'anévrisme. Mais il assume ses changements physiques et en joue. Et surtout, l'énergie est toujours là, comme la malice, comme l'envie. Vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui sont encore capables de se jeter dans un public en ébullition à 68 ans ? Iggy est de ceux là, et c'est comme si son corps se nourrissait de ce contact (et soit dit en passant, je crois que seul Tataginette peut s'enorgueillir de me faire plus d'effet).
Iggy remplit l'espace. Du coup, ses musiciens sont forcément plus effacés. Mais sont loin de démériter, loin de là. Kevin Armstrong à la guitare solo assène ses riffs avec un coolitude certaine (j'ai bien aimé ce moment où il évite un jet de coussin d'un écart élégant, et se marre en voyant Rockfan et moi le féliciter). Seamus Beaghen alterne la guitare rythmique et les claviers avec sobriété et groove. Mat Hector tabasse ses fûts avec un sourire communicatif. Quand à Ben Ellis à la basse... bon, il y a de grandes chances qu'il était raide défoncé en montant sur scène, vus sa gestuelle et ses yeux exorbités. Mais vu qu'il n'a pas fait une fausse note, on ne lui en tiendra pas rigueur.
Le groupe continue d'enchaîner quelques perles (sweet sixteen, some weird sin, une version dantesque de real wild child) et l'ambiance ne faiblit pas, bien au contraire. Pas d'invitation de monter sur scène faite au public, mais 2 ou 3 audacieux auront réussi à passer entre les mailles de la sécurité pour faire quelques pas de danse avec leur idole, qui les accueille bien volontiers. Les slams se multiplient, certains se la jouant même "Alors que revoilà la sous-préfète" en faisant 5 ou 6 passages (Rien de méchant, sauf peut-être la connasse qui m'est tombée sur la gueule bien comme il faut et qui a essayé 10 fois de monter sur scène, tu te reconnais ?).
Niveau ambiance dans le public, c'est vraiment chaud bouillant. Rockfan et moi nous inquiétons un peu pour Camilla et ses quarante kilos, mais nous sommes vite rassurés : elle a de longues années de scène punk derrière elle, elle est parfaitement à son aise dans le chaudron. Bien plus que nous, même !
Sur scène, c'est aussi du haut niveau. A titre personnel toutefois, je me suis un peu ennuyé sur certains passages plus lents (genre Sister Midnight) et un rappel que je n'ai pas trouvé super emballant (I'm Bored, Fun Time, Neigbourood Threat, Down on the Street). Je ne me hasarderai pas à faire de longue comparaisons avec ce que nous avaient offert Iggy et les Stooges il y a 5 ans (cela n'aurait guère de sens tant le groupe avait été touché par la grâce à l'époque), mais vendredi, ces passages plus lents ont minimisé cette impression d'être face à une boule d'énergie pure que j'avais jadis ressenti.
Second et dernier regret, qui fait que j'ai vécu un excellent concert mais pas un concert exceptionnel : des réglages sonores un peu brouillons, qui m'ont empêché d'entendre distinctement le chant, bien que placé à la barrière (pour les instruments, ça allait bien). D'autant plus frustrant que, pour ceux qui ont regardé
le concert retransmis sur Arte, le mix était très bon. Mais bon, j'aurais eu l'occasion de voir ma bouille plusieurs fois sur la vidéo, ce qui reste un souvenir sympa.
Au bout d'une heure vingt, la messe est dite : comme toujours, Iggy est allé au bout de lui-même et a remporté tout les suffrages. Les lumières se rallument, Rockfan, Camilla et moi nous regardons avec une banane de tout les diables. Ce soir, on a tous les trois reçu ce pourquoi nous étions venus : une bonne grosse mandale rock'n'roll dans la gueule. On traîne un peu sur le site, puis on fait un bon bout de chemin ensemble pour rejoindre le centre ville. J'ai plaisir à écouter mes complices du jour, avec notamment les excellentes anecdotes de Camilla sur le Lyon interlope des années 80-90, les traboules, les catacombes, etc. Je me régale également des histoires de concert de Rockfan, alias le Globe-trotter du Rock (et qui nous aura fait explosé de rire quand il nous confiera qu'il a eu "super mal au cul après le concert d'Elton John l'an dernier" !!!). Bref, une fin de soirée très agréable en compagnie de ces deux sympathiques personnages.
Un Iggy en peine forme, une musique qui déboite, de belles rencontres... que demander de plus ?
Setlist :
No Fun
I Wanna Be Your Dog
The Passenger
Lust for Life
Skull Ring
Sixteen
Five Foot One
1969
Sister Midnight
Real Wild Child (Wild One)
Nightclubbing
Some Weird Sin
Mass Production
Encore:
I'm Bored
Funtime
Neighborhood Threat
Down on the Street
Je suis un gentleman ; c'est marqué sur la porte des chiottes.
Wallace Palès